Journal de voyages
Le 15 juin, je me suis lancé dans une première « grande aventure » qui marque le début d’un tournant dans ma vie : faire le tour de la France par les côtes et les frontières, à vélo, sur 5000 kilomètres en trois mois.
À l’origine, je n’avais pas de but très clair, et j’en ai toujours pas. J’avais simplement ce besoin de m’extraire de la routine, de me lancer un défi, de vivre une expérience intense et authentique. Mon goût de toujours pour le voyage était une façon de me reconnecter à moi-même, de me confronter à l’inconnu, et de redécouvrir des valeurs essentielles.
Dès les premiers jours, je réalise que malgré toute la préparation, je n’étais pas vraiment prêt pour ce que j’allais vivre. Le minimalisme devient rapidement une nécessité, et je commence à me détacher du superflu, tant matériellement que mentalement. Je découvre que ce qui compte vraiment, c’est de me concentrer sur l’essentiel, de simplifier ma vie pour mieux la savourer.
Prise de conscience du coût réel de ce voyage, au-delà des finances. C’est un prix à payer, mais c’est aussi ce qui rend chaque instant intense et vivant. Les moments difficiles ne manquent pas. La fatigue, l’effort physique, les doutes, la solitude… Ces épreuves rendent les instants de bonheur encore plus précieux et les prises de conscience sont cinglantes. Chaque moment de douceur se vit avec une intensité nouvelle. Chaque coup de pédale, chaque kilomètre parcouru, chaque ascension est un rappel de la valeur de cette aventure.
Je lutte parfois avec un sentiment de culpabilité. Ayant grandi avec l’idée que le travail doit toujours primer, il m’arrive de me sentir coupable de vivre ces moments de liberté. Pourtant, jour après jour, je comprends que je mérite ces plaisirs, que cette aventure n’est pas une fuite, mais une redécouverte. J’apprends à accepter ce droit de vivre une expérience pleinement, sans culpabilité.
La solitude, paradoxalement, devient une alliée. Passer des heures seul sur ou à côté de mon vélo, c’est comme méditer. Je me retrouve face à moi-même, sans distraction, sans contradiction inutile, sans les bruits du quotidien. Cette solitude me permet de me recentrer, de plonger dans mes pensées, de m’ancrer, de mieux comprendre ce qui est important, ce que je veux vraiment dans la vie.
À travers ce voyage, je redécouvre quelques valeurs essentielles à mes yeux : l’accomplissement, la réalisation de soi, la nostalgie, le partage et la relation aux autres.
L’accomplissement :
C’est probablement ce qui m’a le plus secoué. avoir réussi à faire quelque chose qui semblait impossible. L’idée de gravir de sommets chargés comme un âne, de traverser des territoires vastes et variés, en affrontant des conditions parfois difficiles, pouvait paraître insurmontable. Chaque jour, chaque étape franchie, est une preuve tangible que même les défis les plus intimidants peuvent être relevés. Ce sentiment d’accomplir, de concrétiser ce qui paraissait irréalisable, est profondément gratifiant et le plus émouvant de ce voyage. Il rappelle que nos limites sont souvent celles que nous nous imposons, et que les dépasser est source d’une immense satisfaction.
La réalisation de soi :
Réaliser ce projet, c’est accomplir un rêve que j’ai tellement mis du temps à démarrer, influencé par des limites sociales ou créées par moi-même, prouver que ce qui semblait impossible—parcourir une telle distance, à mon âge, avec tous les dangers potentiels dont la santé, la peur du jugement —peut être réalisé. C’est une victoire personnelle, une affirmation de soi, faire quelque chose d’unique et de personnel.
La nostalgie :
La nostalgie m’accompagne aussi. En revisitant des lieux et des personnes, sans même l’avoir planifié, ravive des souvenirs que j’avais sous-estimés. Ces moments du passé refont surface et me rappellent qui je suis, d’ou je viens, ou qui j’ai toujours été. Ce voyage, c’est aussi une manière de renouer avec mon histoire personnelle, de revisiter les moments qui ont façonné la personne que je suis aujourd’hui.
Le partage :
C’est un besoin de partager cette expérience pour encourager les autres à se lancer dans un projet personnel, quel qu’il soit. Ce projet ne va pas vous changer, il va vous transformer dans qui vous êtes vraiment, s’engager dans quelque chose qui a du sens pour soi. Chacun peut réaliser ses rêves et découvrir des aspects profonds de soi-même en regardant avec un angle différent de ce qui est imposé. Les projets les plus significatifs ne sont pas forcément ceux qui sont grandioses aux yeux des autres, mais ceux qui résonnent profondément en nous. Partager permet aussi que nos croyances soient reconnues et respectées.
La relation aux autres :
La distance et la solitude réévaluent les liens que j’ai avec les autres, à comprendre qui compte vraiment pour moi, et pour qui je compte. Ces moments passés seul, loin de tout, me permettent de voir les personnes qui ont une place dans ma vie, celles que j’avais négligées, faire de nouvelles rencontres, même fortuites, et à quel point les liens évoluent avec le temps et la distance. Nous forgeons une grande partie de qui nous sommes au travers de rencontres, quelqu’en soit la durée et quand elles surviennent.
Les émotions sont présentes, et je découvre qu’elles sont des guides précieux qui exhaussent ces valeurs. Les yeux humides parfois, les larmes ne sont pas toujours synonymes de tristesse. Elles expriment aussi la joie, la colère, ou même la fierté. Apprendre à reconnaître et à comprendre l’origine de mes émotions m’aide à mieux comprendre qui je suis vraiment et à relier ces émotions à mes valeurs profondes et mes besoins.
Le 15 septembre, je termine cette boucle à Genève, mais ce projet n’est que le début. D’autres destinations m’appellent déjà, et je réfléchis à de nouvelles aventures. Ce voyage et ses surprises quotidiennes me montrent que l’exploration et la découverte ne s’arrêtent jamais, qu’il y a toujours un nouveau chemin à parcourir, de nouvelles connexions à établir avec soi et avec les autres.